Histoires du peuple de Sirath

Par Hyro Chan,

Historien de l’Académie d’IssCaNak



En des temps immémoriaux, les Dieux élémentaires donnèrent vie à leurs premières créations. Parmi eux, se trouvaient les Démons Sirathiens, nés de la rencontre des flammes de Vulfume et des eaux de Posicillon.


Chapitre 1 : De la fondation de Sildi Han, joyau du Royaume de Sirath
A l’aube des temps, les Sirathiens s’installèrent à l’est du monde. Dans l’actuel désert des Akhs, ils fondèrent leur première cité.

Sildi Han s’éleva du sol sous leurs mains habiles en six périodes seulement. Elle fut construite suivant un plan circulaire. Le palais se trouvait au centre, entouré des quartiers nobles. Puis, venaient les résidences bourgeoises. Le cercle suivant était divisé en quatre. Le quart Est accueillait le quartier commerçant, ouvert sur le reste du monde connu. Le quart Sud abritait les différentes castes de l’artisanat, de la forge à la menuiserie en passant par le tissage. Le quart Ouest était fait d’écuries et d’étables pour les animaux du Roi, mais aussi de granges pour les réserves de grain. Le quart Nord, enfin, était réservé au Savoir. Six Académies s’y dressaient, une pour chaque domaine de la connaissance : l’Architecture, l’Art, les Lettres, la Magie, la Médecine, et les Sciences. Chaque cercle de la cité était protégé par un mur d’enceinte, et le dernier entouré de solides remparts. Hauts de cinq mètres et larges d’autant, ils contenaient les baraquements militaires, les salles d’armes et d’entrainement de la garde.

L’harmonie et l’équilibre des formes se retrouvaient aussi dans le choix des matériaux. Les maîtres d’œuvre sirathiens n’avaient rien laissé au hasard. Le palais était fait de marbre et d’or, scintillant à la lumière des soleils comme à la lueur des lunes. Ils comportaient quatre tours positionnées de sorte qu’au milieu du jour et de la nuit les rayons des astres s’y diffractaient et coloraient chacune d’elle d’une couleur élémentaire. Ainsi la tour nord-ouest se teintait de jaune, celle nord-est de rouge, sud-ouest de vert et sud-est de bleu. Cette disposition trouvait un reflet dans celle des portes de la cité. La porte de Béryl se tenait au nord-ouest, celle de Rubis au nord-est, celle de Saphir au sud-est et enfin celle d’Émeraude au sud-ouest. Ainsi Sildi Han resplendissait de mille feux de jour comme de nuit. Dans les autres quartiers, pierre et bois avaient été utilisés en proportions équitables, donnant aux rues et aux bâtiments un charme sans égal. Les remparts, quand à eux, étaient constitués de blocs d’un mètre de côté taillés à même la roche. Leur assemblage complexe leur valut leur réputation de muraille infranchissable.


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Plan de Sildi Han, selon Syriac Dankone archéologue til'lunide (-1720 ; -1674)


Dans les plaines autour de la cité, de nombreux villages furent implantés. Des simples hameaux aux petits bourgs, la plupart étaient dédiés à la culture de la terre ou à l’élevage. Ils alimentaient la capitale du royaume en vivres en échange d’une protection indispensable. Avec le temps, le Royaume de Sirath étendit son influence jusqu’à l’océan à l’ouest. Quelques ports y furent fondés pour développer pêche et commerce maritime. Toutefois, la construction navale n’eut pas le temps de prendre son essor. La civilisation sirathienne, si avancée qu’elle fut, devait connaître une fin précoce.


Chapitre 2 : De l’attaque des Sorciers Noirs sur Sildi Han (-12 000)
Douze millénaires avant le Cataclysme, Niue tourna son regard vers le Royaume de Sirath. La prospérité qui régnait en ce lieu l’agaçait, et Il entendait bien y mettre fin. Ses Sorciers Noirs étaient prêts. Dans la lueur du matin, il déversa ce flot de haine sur les plaines des Akhs.

Quand les Dieux Élémentaires réduisirent en pièces ses Gardiens de l’Épouvante, Niue connut son premier échec. Cette défaite inacceptable appelait une revanche implacable. Cette fois, Il prit son temps. Il commença par rassembler les quelques fidèles qui lui restaient. Dans les profondeurs de la chaîne des Kalahs, il forgea sa nouvelle armée. S’il avait créé les Gardiens, il choisit cette fois une nouvelle voie. Il forma ses suivants à partir d’êtres existants, pervertissant leurs esprits et renforçant leurs corps. Ses premiers sujets furent les deux survivants du clan des Dragons Sorciers. Après des siècles de tortures, ils étaient déjà soumis à sa volonté. Les modeler fut aisé. Très vite ils devinrent des machines à tuer, efficaces et obéissantes. Niue s’intéressa alors aux autres espèces primaires. En détournant ces êtres imparfaits de leurs créateurs, il assouvissait une partie de sa vengeance. En les poussant à se détruire les uns les autres, il parviendrait à son but.

Les Dolmants, Ents et Dilths furent les plus difficiles à convertir. Peu nombreux et éparpillés, il n’était déjà pas facile de les trouver. Leur esprit était aussi trop réfléchi pour être totalement perverti. Seule une centaine d’individus joignit l’armée du Dieu Noir. Contre toutes attentes, les Elfes de Lumière montrèrent une oreille plus attentive. Ces êtres considérés comme les plus pacifiques des Six Primaires laissèrent entrer les messagers de Niue. Cette erreur provoqua bien des tourments et conduisit à la scission de leur peuple, 90 000 ans avant le Cataclysme. Ceux que l’on nomme aujourd’hui Elfes Sombres joignirent alors les cavernes infernales des Kalahs, grossissant les rangs des Sorciers Noirs. Les Sirathiens, par contre, refusèrent l’appel des ténèbres. Ceux qui croisèrent la route des messagers de Niue refusèrent de les suivre, parfois au prix de leur vie. Ceux qui furent pris vivants ne cédèrent pas, même sous les plus atroces tourments. Cette résistance imprévue provoqua la fureur du Dieu Noir et fit du Royaume de Sirath sa première cible. Il compléta alors son armée disparate par des monstruosités dont le nom et l’apparence furent par la suite oubliés. Peut-être en créa-t-il certaines à partir des restes de ses défunts Gardiens. (Il est probable aussi que des humains, des nains, et d'autres espèces secondaires se soient jointes à cette armée. Toutefois, nulle preuve ne subsiste à ce jour.)

Toute cette préparation prit du temps. Les Sorciers Noirs se cachèrent dans les souterrains pendant des milliers d’années, attendant leur heure. Mais ce sinistre jour vint finalement, en l’an 12 000 avant le Cataclysme…


Aux premières lueurs de l’aube, un brouillard noir se forma aux pieds des montagnes des Kalahs. La brume se tenait à une altitude bien trop basse pour être naturelle. Intrigués, les soldats de garde sur le rempart nord prévinrent aussitôt leur capitaine.
« - Voyez mon capitaine. Toute cette fumée noire ne semble pas normale. On dirait même qu’elle se déplace…
- Et elle vient vers nous ! »
Le Sirathien se saisit de son « Voiloin » (sorte de longue-vue enchantée selon les parchemins elfes de l'époque). Il ne distingua d’abord rien de plus qu’une brume dense et ténébreuse. Puis des silhouettes prirent peu à peu forme dans le nuage. Des êtres bipèdes et quadrupèdes se déplaçaient dans la plaine. Certains étaient petits, et sveltes, d’autres trapus et difformes. D’autres encore prenaient l’allure de véritables colosses. Tous étaient plus sombres les uns que les autres. Tous se mouvaient avec une assurance sans faille. Comme les détails se précisaient, des armes se dessinèrent. Les lames brillèrent un court instant dans un rayon de lumière passager. Des flammes apparurent dans les mains de géants de pierre...

 

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Attaque des Sorciers Noirs, selon Matt Iss peintre til'rathien (-1800 ; -1682)


« - Une armée… »
Comme Aether comprenait quel fléau se dirigeait vers la cité, un cri s’éleva dans les airs. Du brouillard, sortirent deux dragons. Noirs comme le charbon et mus par un feu ardent, ils s’élevèrent vers les cieux pour mieux piquer vers la cité. Au sol les ombres accélérèrent alors, chargeant vers Sildi Han. La torpeur se saisit des gardes. Certains fixaient le ciel, incrédules. D’autres ne quittaient pas des yeux la plaine où la menace prenait toute son ampleur. Sortis des ténèbres des milliers d’êtres se ruaient à l’assaut. Des cavaliers Elfes Sombres chargeaient en rang, formant une ligne brisée où se faufilaient des Golems de Feu et des Ents Noirs. Des quadrupèdes de toutes tailles se mêlaient à la cohue. Derrière cette première vague, le nuage noir s’était divisé en une dizaine d’être vaporeux. Les Dilths se déployaient, et sous leur souffle vibrait l’étendard noir de Niue.
« Sonnez l’alarme ! Fermez les portes ! On nous attaque ! »
Dans la cité, le temps s’accéléra. Les cors retentirent, les gongs leur firent échos. Les Sirathiens s’animèrent enfin. Les civils coururent vers les abris, les soldats se rassemblèrent sur les remparts. La lourde porte fut fermée alors qu’une volée de flèches venait y ricocher. Les cavaliers noirs modifièrent leur course pour contourner l’obstacle. Au triple galop, ils s’élancèrent vers les autres portes de la cité. Une à une elles se fermèrent sous leur regard haineux. Sildi Han était close, l’ennemi ne passerait pas.

Sur les murs la défense s’organisa. Deux lignes d’archers furent placées derrière les créneaux. Les démons bandèrent leurs arcs. Au signal, des milliers de flèches s’envolèrent vers le flot noir des assaillants. Elles traversèrent les Dilths sans les toucher, ricochèrent sur les corps de pierre des Golems pour mieux se planter dans ceux faits de chair. L’ennemi recula. L’ordre fut imposé par le fouet dans les rangs des Sorciers Noirs. Les cavaliers s’élancèrent à travers la plaine vers des cibles plus faciles. Les Golems Ardents et Ents Noirs formèrent un cercle compact autour de la cité. De leur bras gigantesques ils pilonnèrent les remparts de blocs de pierre et de boue enflammés. Les Elfes Sombres, eux, se concentraient sur les quatre portes, cherchant une faille invisible. Dans les airs, Dragons et Dilths harcelaient les Sirathiens jusqu’au cœur de la cité. Le siège de Sildi Han venait de commencer.


Chapitre 3 : De l'histoire de Tubar, félon parmi les braves
Niue promettait puissance et gloire à ses serviteurs. Le Dieu Noir leur offrait le monde, rien de moins. Ainsi, nombreux furent ceux qui joignirent ses rangs. Les Sirathiens furent l’exception, un seul trahi.

Le Royaume de Sirath subissait les attaques des redoutables Sorciers Noirs depuis près de quatre siècles. Leurs citadelles étaient tombées les unes après les autres. Les villages, fermes et autres bourgs n’étaient déjà plus que cendre. Les ports avaient tous sombré sous la fureur de l’Armée Noire. Seule Sildi Han résistait encore aux assauts incessants. La capitale assiégée était depuis longtemps devenue un champ de ruines. Toutefois, les hauts remparts, noircis par le feu, tenaient bon. A leur sommet, les soldats de la cité n’avaient pas relâché leurs efforts. L’espoir était tout ce qui leur restait. Seuls, ils défiaient la puissance de Niue, tenant tête à ses serviteurs. Mais pour combien de temps encore ?

Alors que les Sirathiens s’essoufflaient, prisonniers de leur propre cité, les Sorciers Noirs apparaissaient chaque jour plus nombreux. Sortis de nulle part, des individus joignaient les rangs innombrables des assiégeurs. Les attaques redoublaient. Les Golems Ardents pilonnaient sans relâche les murs de leurs roches enflammées. Des monstruosités sans nom se jetaient chaque jour à l’assaut des remparts, faisant trembler jusqu’au sol même. Plus sinistre encore était la vue de ces soldats défunts animés par la sorcellerie des Elfes Sombres. Aux portes de la cité se tenait parfois un visage aimé, celui d’un frère peut-être, déformé par des trais cadavériques. Alors les défenseurs sombraient dans un puits de tristesse devant le sort atroce qui les attendait tous. Les Sorciers Noirs ne respectaient pas la mort.

Peu à peu certains comprirent que cette guerre ne connaîtrait pas de fin. Il n’y aurait point de repos pour les preux soldats qui défendaient ces solides murs. Les messagers envoyés quérir aide auprès des Elfes Sylvains n’étaient jamais revenus. Les vivres étaient épuisées. Famine et autres fléaux s’étaient répandus dans la cité. L’espoir faiblissait… et du désespoir naquit la trahison.

Tubar servait à la porte de Rubis depuis le début de la guerre. Il avait connu le premier assaut et affronté tant d’horreurs que rien ne pouvait plus l’effrayer. Du moins le croyait-il. La première fois que la voix s’immisça dans son esprit, il crut rêver. Elle n’était alors qu’un murmure incompréhensible. Il aurait pu l’ignorer, il aurait dû se détourner. Mais sa curiosité était trop grande, l’attirance trop forte. Comme des milliers d’êtres avant lui, il commit l’irréversible erreur. Il tendit l’oreille. Au fil des jours le murmure devint paroles. Les mots le percutèrent aussi tranchant que des lames d’acier.
« Mort » « Souffrance » « Gloire » « Récompenses. » « Viens à moi. » « Sers-moi. » « Nous sommes l’avenir. » « Toute résistance est veine. »
Les phrases devenaient plus longues comme son esprit se faisait plus attentif. Le message prenait un sens comme son cœur s’ouvrait au messager. Doucement sa volonté s’effrita. Sans s’en rendre compte, il fit siennes les pensées de cette voix irrésistible devenue dangereusement familière. Enfin, il oublia jusqu’à son existence même. Les ordres étaient devenus ses décisions. Les actes imposés se transformèrent en choix réfléchis. Il était prêt.
 

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Siège de Sildi Han par les Sorciers Noirs, selon Rikh Iksthar rescapé sirathien (-42 000 ; -8500)


La nuit était tombée sans qu’il s’en aperçoive. Les nuages noirs masquaient complètement le ciel. Il en était ainsi depuis des périodes, des années peut-être. Le brasier qui consumait la ville alimentait sans fin cette fumée étouffante. Cela faisait des jours que les gardes tentaient de l’éteindre, sans succès. Ils parvenaient tout juste à le contenir. Aether soupira. Il leur restait si peu d’espoir. Appuyé sur les créneaux au dessus de la porte de Rubis, il scrutait l’horizon. Si seulement les Elfes Sylvains répondaient à leur appel, peut-être…
« Aaaargh »
Un hurlement d'agonie le ramena à la sinistre réalité. Il provenait d’en dessous, de l’intérieur de la cité. D’autres cris suivirent, de douleur ou de rage. On se battait à l’intérieur des remparts. Alarmé, le capitaine se précipita dans la tourelle. Il dévala les escaliers quatre à quatre, puis se jeta au dehors, l’arme au poing. Devant lui, la porte était ouverte. L’ennemi s’y engouffrait. Le coup fusa avant qu’il ne puisse bouger. Un fouet enflammé le prit à la gorge. Le feu s'enroula autour de son cou. Son regard vitreux ne perçut que l'ombre du Golem qui se tenait devant lui. Déjà la brûlure le dévorait. En un dernier souffle, Aether sonna de son cor, donnant l’alerte. Puis, il s’effondra, âme sacrifiée sous l’étendard de l’ignominie. Dans les ténèbres, Tubar contemplait son œuvre, seul et unique Sirathien à avoir cédé au pouvoir de Niue.


Chapitre 4 : De la capture du Roi, marquant la fin du Royaume de Sirath (-11 600)
Perverti par les murmures du Dieu Noir, le félon ouvrit les portes de Sildi Han. Immuable fléau, les Sorciers Noirs s’y engouffrèrent. Du haut de son palais, le Roi Iltrasarh vit la fin de son peuple avant d’être capturé.

L'alerte résonna dans toute la cité. Les gongs firent écho aux cors. La sinistre nouvelle gagna le palais alors que les soldats valeureux se précipitaient à la porte pour fermer la brèche. Leur courage était grand, leurs efforts inutiles. Ils permirent au moins un gain de temps précieux, contenant le flot des ennemis aussi longtemps qu'ils le purent.

Depuis la salle du trône, le Roi Iltrasarh contemplait son royaume dévasté. Son regard se portait vers le nord-est où la fumée se faisait plus dense. Une lueur de mort y régnait comme les cris haineux s'élevaient dans la noirceur de l'air. Derrière son altesse, se tenaient ses proches conseillers, ses généraux et une escouade de la garde d'élite. Quand leur seigneur se retourna vers eux, ils ne lurent que désolation en ses yeux. D'une voix sans intonation, il énonça la triste vérité.
« - La fin est proche.
- Altesse, nous vous protégerons.
- Il est déjà trop tard. Ce jour devait être écrit. »

Sur ces mots, la princesse entra dans la pièce. Iltiah était encore jeune en ce temps. Elle était née quelques jours à peine avant le début de la guerre. Âgée de quatre siècles, elle n'était qu'une enfant aux yeux des éternels Sirathiens. Cette enfant, qui avait déjà enterrée sa mère et ses trois frères, devait maintenant dire adieu à son dernier proche parent. Le Roi s'approcha de sa fille. En un geste empli de tendresse, il posa ses mains sur ses frêles épaules.
« - Iltiah. Si ceci doit être ma fin, tu seras l’avenir de notre peuple. A travers toi, nous demeurerons éternels. Soit forte mon enfant. »
Puis se retournant vers le capitaine des gardes, il ajouta :
« - Orus, servez ma fille comme vous m’avez servi. Veillez sur elle, à jamais !
- J’en fais serment, altesse. »
Retenant ses larmes, Iltiah se laissa entrainer vers un sombre avenir. Demeuré seul dans la salle du trône, le Roi fit face à son destin.

 

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Les Golems Ardents, Sorciers Noirs redoutables, selon Elawien elfe sylvain (-56 000 ; - 11 000)


La tentative de résistance des soldats de la cité fut rapidement écrasée par les Sorciers Noirs. Cet obstacle balayé, une marée mortelle se déversa dans le premier cercle de la cité. Les habitants furent massacrés sans pitié. Les derniers bâtiments encore debout furent ravagés. Le flot enflammé se scinda en deux pour parcourir les quatre quartiers, ouvrant sur son passage les trois autres portes extérieures. Par chacune s'engouffra une nouvelle vague de combattants, grossissant les rangs nombreux des envahisseurs. Ils poursuivirent vers le sud pour se rassembler devant l'unique porte de la seconde enceinte. Moins solide que celles des remparts extérieurs, elle ne teint que quelques minutes sous les coups brûlants des Golems Ardents.

Le deuxième cercle fut pris, le troisième suivit de peu. Les derniers Sirathiens, éparpillés, n'offrirent qu'une faible résistance. Le palais tint plus longtemps. Toutefois, les gardes n'étaient plus assez nombreux pour le défendre correctement. Les magiciens de la cité n'étaient plus assez puissants pour tenir tête aux nécromanciens de Niue. La dernière porte céda bientôt. Les Sorciers Noirs trouvèrent le Roi sur son trône. En sa main brillait une épée. Il n'eut pas l'occasion de la lever. Son esprit fut maitrisé avant son corps. Par une maléfique magie, il fut enchainé. Trainé par ses bourreaux, il rejoignit les survivants de son peuple... guère plus d'une centaine d'esclaves qu'on entrainait vers les montagnes. Dans les souterrains des Kalahs, ils seraient asservis pour l'éternité.

Parmi les visages meurtris, Iltrasarh n'aperçut pas celui de sa fille. Alors, en son cœur l'espoir perdura.

 

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Destruction de Sildi Han par les Sorciers Noirs, auteur inconnu (retrouvé dans les archives de l'Académie d'IssCaNak)


Sildi Han fut totalement détruite. Consumée par les flammes des servants de Niue, la cité entière fut réduite à néant. La plaine alentour s’embrasa bientôt. Des montagnes à l’océan, un puissant brasier brûla six périodes durant. Quand le feu s’étouffa enfin, il ne restait que cendre à perte de vue. Le paysage verdoyant chéri par les Sirathiens avait fait place à une étendue dévastée. Les siècles passant, le souffle d’Eolia y déversa le sable de Fimine. Les Akhs devinrent un désert de sable brûlant. Le Royaume de Sirath sombra lui-aussi dans l’oubli.


Chapitre 5 : De la fuite de la Princesse Iltiah, le début de l’errance
Entourée d’une poignée de gardes d’élite et du valeureux seigneur Orus, la princesse réussit à franchir les lignes ennemies. Galopant toujours plus au nord, ils gagnèrent les contrées des Elfes Sylvains où ils trouvèrent bon accueil.

Les longues années de siège avaient ravagé Sildi Han jusqu’en son cœur. Les hautes tours du palais étaient tombées sous les attaques acharnées des Dilths et Dragons Sorciers. Les étages supérieurs avaient suivi au cours des siècles. Pour survivre, les Sirathiens avaient dû chercher refuge sous terre. Né du feu et de l’eau, le métal avait percé la roche vers les profondeurs. Au jour de sa chute, il se tenait sous la cité entière des kilomètres de souterrains. Un véritable dédale de salles et de galeries s’étendait du nord au sud, de l’est à l’ouest. Il abritait des logements, des ateliers, une infirmerie… une ville survivant sous les ruines de la capitale morte. Si ce labyrinthe avait de multiples entrées, toutes se trouvaient dans les caves du palais. Ainsi l’ennemi mit un temps certain à le trouver, un temps précieux qui offrit une échappatoire aux rescapés.

Ils devaient être une centaine, principalement des mères et leurs enfants. Ils avançaient dans le noir, suivant la faible lueur des torches, loin devant. Une cinquantaine de mètres les séparaient de l’escouade de gardes. Quand ils l’avaient aperçue, ils avaient pris sa suite, sans réfléchir. Les soldats descendaient rarement dans les souterrains, l’élite jamais. Ils marchaient depuis deux heures maintenant. Le tunnel ne semblait pas avoir de fin. Où allaient-ils ?

La princesse Iltiah était bien entourée. Une escouade complète des gardes d’élite marchait à ses côtés. Elle en comptait soixante, en plus du Seigneur Orus et d’un magicien. Le Roi lui avait révélé l’existence du tunnel une période plus tôt. Elle savait qu’il n’était pas terminé, pas tout à fait. Les ouvriers avaient creusé en direction du sud-est. La galerie devait déboucher à l’air libre au pied sud des Kalahs. Là se trouvait un passage vers l’est. S’ils gagnaient ce point, ils pourraient ensuite s’élancer vers le nord. « Chevauche vers la terre des Elfes Sylvains, ils sont ton seul espoir. » avait dit Iltrasarh. C’était sa dernière volonté, elle la suivrait. Ensuite, elle trouverait un moyen de faire mordre la poussière à ces maudits Sorciers Noirs. Un garde à ses côtés s’arrêta soudainement.
« - Seigneur Orus, des civils nous suivent.
- Je sais. Nous ne pourrons pas assurer leur protection. Mais ils ont le droit de tenter leur chance.
- Pensez-vous que les ouvriers auront terminé ? »
Le silence fut la seule réponse. Ils ignoraient s’ils trouveraient au bout du tunnel une issue vers l’extérieur ou un mur de roche. Eux aussi, ils devaient tenter leur chance.

La marche fut longue et difficile. L’obscurité gagnait du terrain comme les torches faiblissaient. L’incertitude torturait les esprits, la peur se faufilait vers les cœurs. Tous craignaient d’entendre les cris des ennemis derrière ou de voir un mur se dresser devant. Puis, le sol alla en pente douce, remontant vers la surface. L’air se fit peu à peu moins rance. L’espoir revint. Plus de trois heures devaient s’être écoulées quand ils aperçurent enfin une lumière. D’abord pâle lueur, elle s’intensifia comme ils avançaient. Ils débouchèrent finalement dans une salle.

Ils se trouvaient dans une large grotte au plafond haut. Au centre s’étalait un campement sommaire, abandonné depuis deux jours au moins. La cavité naturelle ne possédait qu’un autre accès. Les gardes s’en approchèrent.
« - Le tunnel est étroit, il faudra avancer les uns derrière les autres. Mais je sens de l’air frais. »
Ils n’hésitèrent pas plus longtemps. Les ennemis finiraient par trouver la galerie, ils ne devaient pas s’attarder. Les gardes s’engouffrèrent un à un dans le passage. La princesse fut placée au milieu. Bientôt ils durent se courber pour continuer d’avancer. Une attaque en ce lieu aurait signé leur perte. S’ils en étaient conscients, il était trop tard pour reculer. Leur péril ne s’éternisa pas. Quatre cents mètres plus loin, le tunnel s’élargit à nouveau pour déboucher sur une crevasse, au pied de la montagne. Ils étaient à l’air libre. Les soldats s’organisèrent rapidement, cherchant un sentier pour sortir du trou.
« - Par ici la pente est praticable. »
Un sentier naturel permettait de remonter. Ils furent rapidement en haut.

Il leur fallut un temps pour s’habituer à la lumière encore vive de la fin du jour.
« - Nous sommes de l’autre côté des Kalahs. »
La princesse contemplait le paysage. A ses pieds s’étalait un plateau rocheux. Il était jonché de crevasses traitresses et de rochers tombés des cimes. Il se terminait brusquement à une cinquantaine de mètres. Puis, la roche donnait naissance à la verdure. A perte de vue, ce n’était que plaines et forêts. En d’autres circonstances, la vue eut été magnifique. A l’arrière, le seigneur Orus donnait ses ordres. Six gardes furent désignés pour attendre les civils rescapés. Les autres partiraient en avant, escortant Iltiah vers les terres elfes. La route du mage s’arrêtait là. Il lui incombait de fermer le passage avant l’arrivée des ennemis.

La princesse et son escorte partirent vers le nord. Ils longèrent les montagnes sur des kilomètres. Ils grimpèrent le versant sud des hauts Kalahs, luttant contre le vent et le froid. Ils passèrent par des cols recouverts de neige. Ils manquèrent de sombrer dans les gouffres sans fond. Ils ne renoncèrent pas. Après un périple de six périodes, ils arrivèrent à l’orée de la grande forêt du nord.
« - Le Royaume Sylvestre. »

Les Elfes Sylvains leur offrirent l’hospitalité attendue. Le Seigneur Orus apportait avec lui de précieuses informations. Les Six Primaires étaient maintenant conscients du danger que représentaient les Sorciers Noirs. Si aucun peuple n’avait eu la force de se porter au secours des Sirathiens, tous s’étaient préparés à la guerre. Alors que le Royaume de Sirath disparaissait, la grande alliance voyait le jour, apportant un nouvel espoir pour l’avenir.


Épilogue
Les Elfes étaient la prochaine cible de Niue. Toutefois, lorsque les Sorciers Noirs arrivèrent aux frontières du royaume sylvestre, leurs ennemis étaient prêts. L’alliance des Elfes Sylvains, des vaporeux Dilths, des solides Dolmants et des réfugiés Sirathiens eut raison de l’armée noire. En une terrible bataille le sort du monde fut scellé. Ainsi s’acheva la première guerre karmique, plus de 8 000 ans avant le Cataclysme. Niue ne fut pas totalement vaincu. Quen ne connut pas de victoire. Eolia, Fimine, Posicillon et Vulfume en sortirent terriblement affaiblis et leurs enfants plus encore. Des Six Primaires, les Dragons furent ceux qui se relevèrent le plus rapidement. Guidés par leur nouveau chef, Raug, ils régnèrent à leur tour sur le monde connu. Du moins pour un temps…

La princesse Iltiah mit du temps à rassembler les survivants de son peuple. Elle les guida vers l’île Sanctuaire, siège de l’Académie. Si les Démons Sirathiens ne purent jamais reconstruire leur Royaume, ils œuvrèrent toujours à déjouer les plans de Niue.